Le 16 mars 1914, Henriette Caillaux, femme du ministre des finances en exercice, tuait Gaston Calmette, le directeur du Figaro, de quatre balles de revolver, par crainte que le passé sentimental et illégitime de son couple ne fut étalé sur la place publique. Gaston Calmette aurait en effet soudoyé la femme de chambre d’Henriette Caillaux pour qu’elle subtilisa les lettres de Caillaux à son épouse. Il publia dans son journal plusieurs de ces lettres, écrites avant le mariage des Caillaux, notamment le 13 mars, une lettre compromettante de Caillaux adressée le 15 juillet 1901 à Berthe et dans laquelle il se félicitait d’avoir fait capoter un vote sur l’impôt sur le revenu en paraissant le défendre. Lors de son procès ouvert le 20 juillet 1914, Henriette Caillaux et son avocat, Fernand Labori, plaident le crime passionnel. Fait exceptionnel, le président de la République fait une déposition et nombre de membres de la haute société de l’époque doivent aussi s’exposer. Au procès,  la défense exploita habilement des stéréotypes encore bien ancrés. Elle convainquit le jury que le crime n’était pas le fait d’un acte mûrement préparé mais d’un réflexe féminin incontrôlé, transformant le crime prémédité en crime passionnel, et obtint ainsi l’acquittement le 28 juillet 1914. Ce verdict clément fit l’objet de nombreuses critiques à l’époque : il avait été avancé une collusion entre Caillaux et Boucard, le juge d’instruction, ou avec le procureur qui avait été fait Commandeur de la Légion d’Honneur quelques jours avant le procès.

La majeure partie de la France était fascinée par l’affaire Caillaux en juillet 1914, ignorant la crise européenne qui s’abattait sur elle comme les quatre cavaliers de l’apocalypse. Pensez au procès d'O.J., sauf que dans ce cas précis, le meurtrier était une ancienne Première dame. Celle-ci avait tout pour elle : la gauche contre la droite, la chute des puissants et tous les détails salaces qu'on pouvait souhaiter. Le même jour que le verdict de son procès, l'Autriche-Hongrie déclara la guerre à la Serbie. Arcanes reste aussi fidèle à l'histoire réelle : l'intrigue se déroule étape par étape, de la préparation du meurtre jusqu'à l'acquittement, magnifiquement mis en scène par Antonio De Luca dans un style qui rappelle les classiques franco-belges. Les petits détails sont également remarquables. Une nouvelle contribution plus que réussie à la série "L'heure H", en espérant que le prochain tome ne tardera pas trop.