De nos jours, Alex fait un cauchemar récurrent où il devient Bencomo, un guerrier guanche des iles Canaries, guidé par des corbeaux vers un combat inégal contre Iruene, le dieu/diable des guanches, qui prend la guise d’un loup gigantesque… ou d’un conquistador espagnol. La réalité moderne de 2022 et le genocide guanche de 1479 s'emmêlent, au point ou les virées fantastiques deviennent de plus en plus grotesques, sanguinaires et horribles. Alex a un rôle à jouer - comprendra-t-il les attentes d’Iruene et de son peuple ?

C’est un bel album, au dessin tout aussi classique que le récit; les pages les plus spectaculaires sont celles où le fantastique fait irruption dans le réel. Le contraste passé/présent est habilement mené pour maintenir notre intérêt, même si l’histoire est simple et prévisible; les inserts fantastiques ne sont jamais expliqués, et c’est mieux ainsi. Comme le dit Griffo lui-même “la bande dessinée, comme beaucoup d’autres arts, est un art de l’illusion” - et dans Iruene, l’illusion tient jusqu’au fin. A la fin de l’album on y trouve un très intéressant dialogue entre Rodolphe et Werner Griffo sur la genèse de Iruene, et sur le volcan qui a ravagé l'île de La Palma (ou Griffo habite depuis 1987 - volcan qui est, effectivement, Iruene dans la mythologie guanche). Un beau livre qui nous a fait voyager dans l’espace et le temps, de Paris aux îles Canaries.