Quiconque a lu Béatrice, les débuts fracassants de l'illustrateur flamand Joris Mertens, sait de quoi il retourne. Il peut dessiner des paysages urbains comme personne d'autre ; de magnifiques panoramas de villes avec la grandeur fanée de la fin des années cinquante et des années soixante, de préférence sous un angle en hauteur, avec des rues et des places pleines de lettres publicitaires et d'architecture classique. Mertens a laissé le lecteur se promener dans des quartiers au chic piquant, l'a laissé entrer dans de grands cafés délicieux où le temps s'est arrêté - et il a également réussi à ajouter une belle histoire sans texte. Trois ans après Béatrice, Mertens est de retour, cette fois avec un roman graphique avec texte. Dans Nettoyage à sec (Bleekwater), il opte à nouveau pour une grande ville comme décor. Le personnage principal est François conduit tous les jours les livraisons d'une entreprise de nettoyage à sec. Avec une camionnette, dans une métropole délabrée où il pleut sans cesse depuis quelques semaines, sans grande perspective d'une journée ensoleillée. Nettoyage à sec est un livre profondément belge, dans lequel la couleur locale et les dialogues sont parfaitement équilibrés. François est un personnage. Il semble toujours être en mouvement dans la vie, il a quelque chose d'une agitation constante. Les rares fois où nous le voyons avec une expression amicale, c'est lorsqu'il rêve à voix haute de gagner au loto. Il a joué à la loterie pendant la moitié de sa vie, toujours avec la même rangée de chiffres, et il est sûr qu'un jour le bien lui reviendra. Puis il achètera une petite maison pour la kiosquière Maryvonne et sa petite fille, que François adore.

Lorsque François ne travaille pas, il se promène dans la ville. Il prend une bière par-ci, une discussion par-là, regarde un film dans un cinéma presque vide, et ainsi les jours passent. C'est un soliste, quelqu'un pour qui la vie sociale prend la forme d'une tournée. Entre-temps, Mertens montre au lecteur étonné tous les coins de la ville. Les scènes de soirée, avec les lampadaires et les enseignes au néon, sont splendides, d'autant plus qu'il pleut toujours. Les rues sont humides et reflètent la vie nocturne. Un jour comme les autres, François est confronté à une situation aussi inattendue que de gagner au loto lors d'une livraison. En une fraction de seconde, François prend une décision. Dès lors, sa vie est bouleversée. Est-ce que tout va bien se passer après tout ? Pour quelqu'un qui a un bonheur inattendu à portée de main, il n'est pas très détendu. À quelques pages de la fin, Mertens nous guide vers un dénouement passionnant.