France
Plate-forme : Blu-Ray
Date de sortie : 05 Janvier 2022
Résumé | Test Complet | Images | Actualité
Editeur :
Développeur :
Genre :
film
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Nic007


8/10

Réalisé par Bruno Dumont.

Les larmes de la femme blanche, c'est un motif récurrent dans la lutte antiraciste contre les privilèges invisibles de la société majoritaire ou de ceux qui se croient tels. Léa Seydoux, elle-même petite-fille du PDG de Pathé Jérôme Seydoux (qui, selon ses propres dires, ne l'a jamais aidée dans sa carrière), est congénitalement distribuée en célébrité d'origine grande bourgeoise. Elle connaît les regards d'humilité, le regard vitreux d'une femme que l'on regarde trop, le sourire artificiel qui affirme la chaleur. Rien n'est plus crédible chez elle que les piques d'une diva prise sur le fait et qui ne veut pas être une diva. Seydoux joue la présentatrice de télévision cynique France de Moeurs, célèbre et appréciée pour son émission ("France de Moeurs - Un regard sur le monde"), dans laquelle elle se met en scène en train de se rendre dans des zones de conflit pour montrer ensuite aux gens ce qu'ils veulent voir : Des milices arabes qui fourbissent leurs armes, par exemple, ou des migrants noirs, accompagnés en direct sur son petit bateau à moteur. Mais quelque chose lui arrive, elle est déstabilisée, et dès lors, elle lutte contre le fait que tout l'affecte et la fait pleurer, au milieu d'une émission en direct et dans la vie quotidienne sur le banc du parc. Dumont tient bon, insiste, fait enfler la musique de manière dramatique, comme s'il le pensait vraiment. Ce "comme si" est le moyen choisi par Dumont pour lancer de fausses pistes. Il ne se laisse pas enfermer politiquement, et son plaisir de la torsion peut être interprété dans de nombreuses directions. Dans France, c'est vraiment étrange, car la satire n'est pas pointue, mais trop claire, étirée en longueur. Le réalisateur suggère d'offrir une satisfaction à travers des situations drôles, des moments absurdes et des exagérations satiriques, mais il échoue à donner cette satisfaction en étirant, en prolongeant, en répétant tout jusqu'à ce que le rire reste coincé dans la gorge. Car le rire face au cynisme des médias fait lui aussi partie d'une vision cynique du monde.

Léa Seydoux a choisi ce rôle, et elle n'est pas montrée, mais elle montre - en utilisant sa personnalité publique. France est un film des effets V de Brecht. Pas seulement parce que Seydoux regarde la caméra, mais parce que la mise en scène se révèle constamment comme telle. Bien sûr, on peut trouver cela lourd, lorsque le film suit la déchéance de sa protagoniste avec distance et ironie, en toute lenteur, se privant ainsi de suspense. Mais une satire médiatique peut-elle être une satire médiatique si elle suit les lois de la narration médiatique ?  Parmi les fausses pistes de France, Dumont laisse formellement derrière lui le grotesque de films comme La belle société et KindKind pour dessiner un personnage à l'épicentre du pouvoir (médiatique). Nous voyons des situations, des lieux, des personnes qui sont assez proches de ce que nous connaissons par les médias. Parfois, ils sont exagérés, mais souvent, ce n'est même pas le cas. Des hommes se livrent à des combats de coqs à la télévision, et France termine de manière détendue par un commentaire complice : "Je pense que nos spectateurs* pourront se faire leur propre jugement". Son assistante-productrice trouve cela génial, de manière générale, elle trouve génial tout ce que fait France. Dans ce milieu, le grotesque est le réalisme, montre Dumont, et ce n'est pas une chute. Il fait confiance à des images hyperréalistes qui, par leur nudité, communiquent, s'expliquent, se dévoilent. En même temps, France est bien sûr aussi un film de fiction, où tout est inventé, construit et doté d'un caractère symbolique. L'appartement dans lequel France vit avec son mari et son fils est par exemple fantastique : une sorte de tombeau élégant avec des plafonds de cinq mètres de haut, des murs peints en noir et des flammes sur le tapis. Non, rien n'est subtil ici. C'est ce qui fait le charme et la complexité du film : D'une part, il révèle des espaces d'association et des motifs très clairs, d'autre part, il détourne la simple possibilité de jugement en prenant au sérieux, sur le plan dramaturgique et rythmique, ce qui ne doit pas être pris au sérieux. Pour Dumont, les larmes de Léa Seydoux ne sont pas simplement des larmes de crocodile et ses actions ne sont pas seulement l'action corrompue d'une élite. Non, tout est lié à tout. Les larmes sont aussi fonctionnelles, utilisables, comestibles, en un sens bankables. L'aspect systémique dont témoigne cette satire englobe les spectateurs qui entrent dans l'image en tant que fans, tout comme ceux qui sont assis devant le film au cinéma. Parce qu'il se rend vulnérable, Dumont se retrouve peut-être lui-même sous les feux de la rampe. Ce ne serait pas la pire des choses pour une farce qui raconte que personne n'est supérieur.

VERDICT

-

Bruno Dumont se réinvente déjà avec une satire médiatique espiègle, à la fois hyperréaliste et décalée. Les larmes sur le visage de Léa Seydoux sont au cœur de France.

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