Présentée à la dernière Mostra de Venise dans la section "sconfini", cette œuvre se présente comme quelque chose d'innovant du point de vue du genre cinématographique. Née d'une production Kiné en association avec l'Istituto Luce et les archives de films amateurs Home Movies, Il Varco se présente comme un hybride à mi-chemin entre un documentaire et une œuvre de fiction, une construction articulée et homogène d'images amateurs et récentes, de lieux riches en symbolisme et de sensations sonores aliénantes, qui trouvent dans les réalisateurs Michele Manzolini et Federico Ferrone le bon amalgame pour une œuvre complexe. Nous sommes dans les premières années de la Seconde Guerre mondiale entre 1941 et 42, un train traverse les frontières italiennes en direction de l'est, c'est l'armée italienne qui part pour le front russe avec beaucoup d'enthousiasme, renforcée par les succès de l'armée allemande. Parmi les nombreux soldats, il y a cependant un vétéran de la campagne d'Afrique, déjà saturé des horreurs de la guerre et imprégné de désillusion. Après sa démobilisation, il est appelé pour sa capacité à parler le russe, la langue de sa mère, une langue qui revient à travers l'évocation de vieux contes de fées d'Aleksandr Afanas'ev, qui se matérialisent tout au long du récit. Un voyage qui apparaît dans toute sa quotidienneté et qui, pas à pas, dissipe les enthousiasmes pour ne trouver que l'entrée d'un abîme sans limites où tout désir triomphaliste s'éteint pour ne laisser place qu'au désir primordial de la maison et de la famille.

Bien que réalisé en grande partie à partir d'images d'archives, Il Varco est une œuvre de fiction qui utilise le matériel pour créer une nouvelle histoire, en transformant de nombreux points de vue individuels en un seul, un aspect qui l'éloigne davantage de la vue d'ensemble classique du documentaire de guerre et le fait entrer dans une dimension subjective vibrante qui permet de vivre l'expérience de la guerre de manière plus intime. Cet aspect constitue la nouveauté la plus pertinente de ce travail, qui utilise également les journaux intimes de vétérans : Guido Balzani, Remo Canetta, Enrico Chierici, Adolfo Franzini, Nuto Rebelli et le plus célèbre Mario Rigoni Stern. Ces contributions ont ensuite été réélaborées avec Wu Ming 2, co-auteur du scénario, dans une opération d'écriture avec un mouvement de balancier où le texte initial n'avait pas d'images façonnées ad hoc mais devait composer avec les images trouvées dans les archives et trouver à chaque fois un fil conducteur. L'ensemble du voyage a la saveur d'un road movie et est accompagné par la voix du narrateur, Emidio Clementi de Massimo Volume, et par la musique du concepteur sonore Simonluca Lautempergher, qui contribue à mélanger des images qui seraient autrement silencieuses et à animer le voyage de l'équipe italienne depuis la Russie par des présages inquiétants. Il s'agit d'un travail qui utilise presque entièrement du matériel tourné en amateur par des soldats présents pendant la campagne, en particulier des archives de Guglielmo Baldassini, Enrico Chierici, Adolfo Franzini et Giuseppe Vecchi, un matériel qui a nécessité environ deux ans de recherche et de sélection et dont on est souvent frappé par la qualité certaine des séquences tournées par des mains expertes. Peu nombreux, en revanche, sont les matériaux tournés ex-nihilo par les deux auteurs eux-mêmes en Ukraine, avec un ton si désaturé qu'il en devient organique avec les autres images. Leur utilisation à différents moments crée un pont avec le conflit actuel en Ukraine, aux mêmes endroits que les images, créant une continuité dans le récit et rendant le message de cette œuvre plus actuel que jamais, montrant comment l'horreur de la guerre est toujours tragiquement vivante.