La Trilogie Berlinoise tome 1 : L'été de cristal
Plate-forme : Bande Dessinée
Date de sortie : 18 Novembre 2021
Résumé | Test Complet
Editeur :
Développeur :
Genre :
Bande dessinée
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Nic007


8/10

Scénario : Pierre Boisserie
Dessin : François Warzala
d'après l'oeuvre de Philip Kerr

Le romancier anglais Philip Kerr, décédé en 2018, a laissé derrière lui un nombre important de romans dont une série policière qui l'a rendu célèbre, contant les enquêtes du berlinois Bernard Gunther entre 1928 et 1957. Ce premier volet se déroule en 1936, période de sinistre mémoire qui ne ravit pas franchement notre Bernie, tombé en disgrâce sous le IIIème Reich, alors que les Jeux Olympiques d'été s'apprêtent à débuter. Après avoir travaillé à la police criminelle, la "Kripo", pendant 11 ans, le flic berlinois a démissionné et a ouvert un bureau d'enquêteur privé, un exercice qui s'est avéré bienvenue car une série d'inquiétantes disparitions trouble la capitale allemande. L'histoire démarre alors qu'un industriel richissime, le magnat de l'acier Hermann Six, contacte notre privé pour retrouver des bijoux contenus dans le coffre-fort de sa fille Grete, assassinée avec son époux, Paul Pfarr, à leur domicile. Les enquêtes de Bernie sont particulièrement ardues car il doit naviguer sans cesse au milieu de la Gestapo, des nazis de tous poils, de la mafia allemande et des flics corrompus. Un vrai défi à chaque fois ! Mais qui est Bernie ? Grand séducteur, particulièrement sagace, il n'abandonne jamais une affaire avant d'en avoir le cœur net même quand il prend des coups. Il a un franc-parler qui lui vaut de nombreux ennemis mais qui parfois aussi lui sauve la mise car certains apprécient sa franchise. Enfin, anti-nazi convaincu, il essaye de rester cohérent avec ses idées tout en devant composer avec les représentants du parti nazi.

Existe-t-il un terrain plus fertile pour un romancier que l'Europe centrale du milieu du 20e siècle ? L'environnement de secret et de violence qui existait en Allemagne dans les années 1930 lorsque les nazis ont pris le contrôle du gouvernement et ont ensuite consolidé leur pouvoir ; le chaos de la Seconde Guerre mondiale alors que les combats faisaient rage sur plusieurs fronts à travers le continent ; et les jeux d'espionnage de la guerre froide qui ont prospéré à mesure que les alliances en temps de guerre se sont rompues. Au centre de cet « immense chaudron où bouillonnaient et se mêlaient toutes les époques historiques » (pour emprunter à Octavio Paz) résidait, au propre comme au figuré, Berlin. Siège du pouvoir nazi jusqu'à et pendant la Seconde Guerre mondiale, il est également devenu un point focal pour les machinations des anciens alliés alors qu'ils se sont soudainement transformés en adversaires luttant pour contrôler l'avenir de l'Europe. Une variété d'écrivains ont placé leurs romans dans ce « chaudron », et parmi eux se trouve Philip Kerr. Non content de simplement jouer sur les avantages évidents d'un cadre européen central du milieu du 20e siècle pour ses romans policiers, Kerr engage activement et plausiblement Gunther avec plusieurs hauts responsables politiques et de sécurité nazis. Certains seront familiers aux lecteurs ayant même une connaissance passagère de l'histoire de cette époque (comme Hermann Goering et Heinrich Himmler), tandis que d'autres sont moins connus (Reinhard Heydrich, Arthur Nebe et le chef de la Gestapo, Heinrich Müller) . En impliquant Gunther directement avec les événements et les personnalités du jour, Kerr donne au récit plusieurs niveaux de sens pour les lecteurs. À un certain niveau, l'histoire est à elle seule un thriller bourré d'action qu'il est difficile de lâcher. Mais pour les lecteurs qui s'intéressent au contexte historique, l'ouvrage offre également une fenêtre fascinante sur le monde de cette période à travers les yeux de Gunther alors qu'il navigue dans la vie quotidienne dans les années 30 et 40 à Berlin et traite de certains des architectes et effets de l'époque nazie. politique.

Kerr présente Gunther comme étant devenu un détective privé après avoir servi pendant des années comme policier à Berlin. Au début du récit, il a déjà quitté la police, frustré par la façon dont nombre de ses collègues ont perdu leur emploi ou ont été mis à l'écart par le nouveau régime, et irrité également par les pratiques brutales que les nazis ont propagées par le biais de la sécurité. Gunther est un homme privé du droit de vote par les événements de sa ville et de son pays, et quelqu'un dont le refus de cacher ses opinions le conduit souvent à avoir des ennuis avec des personnes dangereuses à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement ; il sait jouer le jeu et s'entendre, mais a du mal à se résoudre à le faire.  Le travail de Gunther sur l'affaire le conduit à un feu croisé d'intérêts contradictoires parmi les hauts responsables nazis. Alors que Gunther parcourt Berlin à la recherche de réponses à ses questions, Kerr met en lumière les rivalités politiques au sein du régime, le comportement criminel lié aux groupes ouvriers et culturels soutenus par le gouvernement et les luttes croissantes de la population juive : la fiction historique à son meilleur, sous la forme d'un drame policier.  Et le personnage principal, Bernie Gunther, est un détective privé de "style classique" qui rappelle d'autres détectives littéraires --- dur mais avec un faible pour une femme en difficulté, autodérision mais avec un mordant esprit, intelligent et perspicace mais pas omniscient. De manière significative cependant, Gunther représente également un repoussoir pour les nazis autour de lui et ceux qui soutiennent les nazis par leur silence. Il exprime clairement son aversion pour le régime et sa politique à chaque occasion, même lorsqu'il s'adresse aux responsables nazis qui doivent souvent lui rappeler que malgré leur besoin de ses services, leur tolérance pour ses opinions a des limites. Ainsi Gunther permet à Kerr, dans le cadre d'un roman policier, de décrire et de commenter la tragédie de l'Allemagne nazie.

VERDICT

-

L'adaptation de ce premier tome est une belle réussite aussi bien du côté scénaristique - car l'histoire, complexe, est bien retranscrite - que du côté illustration : le dessin de Warzala colle parfaitement à l'époque, berlines noires et chapeaux mous. On retrouve avec grand plaisir la belle ligne claire des grands classiques de la Bd franco-belge. C'est à la fois un policier simple pour le lecteur qui aime le « noir », mais aussi une fenêtre fascinante sur l'Allemagne nazie des années 30 et l'Europe centrale au début de la guerre froide.

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